- CHAMPA
- CHAMPASur une partie de la côte orientale de l’actuel Vietnam, depuis la porte d’Annam, au nord, jusqu’à la latitude de Phan-thiêt, au sud, on a retrouvé les vestiges d’un ancien royaume «indianisé»: monuments en état de ruine avancée au moment de leur découverte (travaux de l’École française d’Extrême-Orient, menés dès la fin du XIXe s.), sculptures et inscriptions lapidaires (celles-ci, le plus souvent brisées et déplacées). Ces inscriptions (et celles des royaumes voisins) appellent ce royaume Camp (nom féminin, prononcer «Tchampâ») et ses habitants les C mpa. Par suite d’une «francisation» abusive, l’usage – auquel nous nous conformerons pour plus de commodité – s’est établi d’appeler ce pays «le Champa» et ses habitants «les Cham».La formation du Champa, comme celle de la plupart de royaumes anciens de l’Asie du Sud-Est, a bénéficié d’apports de l’Inde, venus s’ajouter et s’adapter à une culture locale. Celle-ci n’était pas négligeable et devait, d’ailleurs, n’étant qu’un élément du vaste ensemble austro-asiatique où s’intègre la culture de l’Inde, ne pas trop «dépayser» les colonisateurs pacifiques que furent les Indiens: aventuriers, marchands, nobles exilés et brahmanes. Arrivant par vagues successives, dès le début de l’ère chrétienne sans doute, ils apportèrent, avec la langue sanskrite (langue des textes sacrés, mais aussi, vraisemblablement, lingua franca pour ces Indiens d’origines diverses), l’hindouisme, qui englobe tous les aspects de la vie matérielle et spirituelle. Quant aux moines bouddhistes, dont le rôle fut très important au Champa, ils vinrent d’abord de l’Inde, mais peut-être aussi, ultérieurement, de la Chine, et introduisirent le bouddhisme du Grand Véhicule (Mah y na).Dès son apparition (vers le IVe s. de notre ère?), le Champa fut continuellement en guerre contre ses voisins, et surtout contre ceux du Nord: les Chinois, puis les Vietnamiens dès que ceux-ci eurent constitué un État, le Dai Co Viet (968). Les limites géographiques définies plus haut correspondent à l’apogée du Champa. Dès l’an 1000, la capitale devait se transporter dans le Sud, au Binh-dinh, et pendant presque un millénaire encore, le Champa luttera contre le Dai Viet, avec des moyens de plus en plus réduits; de nos jours, dans la région la plus méridionale de l’ancien Champa, à Phan-ri, ne subsiste plus «qu’une misérable minorité ethnique attachée au souvenir, bien affaibli, de la culture hindouiste de ses ancêtres» (J. Boisselier).Le littoral de l’Indochine est constitué, du nord au sud, par une série de petites plaines côtières, qui sont relativement isolées les unes des autres. Le Champa resta composé de petites principautés voisines et parfois rivales. Cependant, ces principautés reconnurent généralement la suzeraineté de l’une ou l’autre d’entre elles, suzeraineté dont le signe était la possession d’un lieu saint où résidait le dieu えiva, maître du royaume. Là aussi se retrouve un antagonisme du Sud par rapport au Nord, le haut lieu du Po Nagar de Nha-trang faisant concurrence à celui du cirque montagneux de Mi-son (Quang-nam). Ainsi l’histoire et nécessairement l’histoire de l’art se montrent-elles constituées de fragments juxtaposés, plutôt qu’elles ne forment des ensembles organiques. Si une succession évolutive des styles peut être reconnue de manière globale, il n’en reste pas moins que les brusques changements constatés, qui s’expliquent en partie par des influences extérieures de provenances diverses, semblent correspondre aussi à des particularismes locaux assez marqués. À la fragmentation existant dans les faits vient s’ajouter celle, apparente et trompeuse, qui résulte d’une documentation très lacunaire: peu de monuments cham nous sont parvenus, et ils étaient déjà en très mauvais état de conservation avant même les destructions massives causées par la guerre de ces dernières années. Les monuments seront décrits dans l’état où ils se trouvaient encore dans les années 1950-1960.1. Le cadre historiqueLes antécédents du ChampaDe nombreux sites ont été reconnus tout au long de la côte orientale de l’Indochine. On y a trouvé, comme dans la plupart des gisements de l’Asie du Sud-Est, un matériel (outils de pierre, céramique, objets de métal, éléments de parure) caractérisant un état de civilisation qui devait subsister jusqu’aux premiers siècles de notre ère. Pour la région où se développera plus tard le Champa, qui correspond aux provinces vietnamiennes situées au sud de la porte d’Annam, nous ne mentionnerons que des sites de Gio-linh (dans le Quang-tri) et de Sa-huynh (dans le Quang-ngai).Pour l’Asie du Sud-Est en général, et cette région en particulier, les plus anciens renseignements historiques sont donnés par des textes chinois. La commanderie du Rinan, marche frontière au sud de l’Empire chinois, fut créée sous les Han. La «sous-préfecture» la plus méridionale du Rinan (Xianglin), peuplée d’aborigènes turbulents, était, de surcroît, fréquemment envahie par les autochtones frontaliers, les «Barbares (Qulian) venus d’au-delà les frontières du Rinan» (la principale attaque eut lieu en 137 apr. J.-C.). Les Chinois décidèrent d’évacuer leurs ressortissants et de laisser les Barbares choisir entre eux un ou plusieurs chefs. Le résultat de cette politique fut qu’en 192 un fonctionnaire indigène, nommé Qulian lui aussi, tua le «sous-préfet» chinois et se proclama roi. C’est ainsi que fut créé, à l’intérieur des limites du Rinan, le royaume du Linyi. Les historiens chinois continueront, jusqu’en 756, à ne citer de ces régions que le Linyi (la transcription du vocable camp n’apparaît, dans les textes chinois, qu’au cours de la seconde moitié du IXe s.), mais il est très probable que ce n’est que par habitude. En effet, R. Stein a démontré que les rois du Linyi connus des Chinois, ces rois dont la capitale se trouvait dans la région de Huê, sont distincts des souverains à noms sanskrits qui ont laissé des inscriptions dans le Quang-nam, le cœur, la «terre sainte» du Champa. Ces derniers souverains, hindouisés, sont vraisemblablement des princes cham, alors que les rois du Linyi sont sans doute quelque peu sinisés et que leurs noms ne se laissent pas ramener à des originaux sanskrits. L’absorption du Linyi par le Champa et son hindouisation progressive ne seront sans doute accomplies qu’au début du VIIe siècle. Jusqu’à cette fusion, l’histoire du Linyi est faite, au long de quatre siècles, d’une alternance de raids menés contre les commanderies chinoises et de contre-attaques punitives de la part des Chinois. Ceux-ci s’emparèrent notamment, en 446, de la capitale du Linyi et emportèrent un butin comprenant des «statues en or» et des «dieux barbares» – ce qui atteste, dès ce moment, l’existence d’idoles anthropomorphes, et donc une certaine hindouisation du Linyi. Le Fou-nan voisin intervenait dans ces luttes, aux côtés tantôt de l’un, tantôt de l’autre des adversaires. Dès 520 environ, les noms des souverains du pays que les Chinois continuent d’appeler Linyi semblent permettre une restitution sanskrite, à partir de Pi Cuibamo (Vijayavarman). C’est entre ce moment et 605, date de la première mention d’une capitale désormais établie au sud du col des Nuages, sans doute dans la région de Mi-son et Tra-kiêu, qu’a dû se faire l’absorption du Linyi par le Champa.Les débuts du Champa (jusqu’en 757)Il nous faut revenir en arrière. Le premier témoignage sur le Champa est fourni par quatre inscriptions sanskrites trouvées dans le Quang-nam et le Phu-yen; elles émanent du roi Bhadravarman (fin du IVe s.). Une de ces inscriptions a été trouvée dans le site de Mi-son. Ces textes mentionnent une divinité appelée Bhadre ごvara (le «seigneur favorable», épithète de えiva). C’est le plus ancien exemple en Asie du Sud-Est d’un nom de divinité analogue au nom du souverain et l’expliquant sans doute. Bhadre ごvara était vraisemblablement représenté par un li face="EU Updot" 臘ga (idole çivaïte, emblème de la Trim rti, et peut-être d’origine phallique), dont le sanctuaire devait se trouver à Mi-son même. Nous n’avons plus ensuite de renseignements sur le Champa qu’avec les inscriptions de えambhuvarman, au début du VIIe siècle. Elles nous apprennent que sous le règne du père de ce souverain le sanctuaire de Bhadre ごvara a été détruit par le feu, et que えambhuvarman l’a fait rebâtir. Il a donné à l’image vénérée le nouveau nom de えambhubhadre ごvara, associant ainsi son nom à celui du roi fondateur; c’est donc une divinité personnelle, et en même temps une divinité dynastique. De plus, えambhuvarman exprimant le vœu que cette divinité puisse «donner le bonheur au pays de Camp », elle est aussi la divinité nationale du Champa, dont c’est la première mention épigraphique. えambhuvarman, qui avait cru pouvoir se délivrer de toute allégeance à l’égard de la Chine, subit en 605 une attaque, suivie de la prise de la capitale, située sans doute dans la région de Tra-kiêu. えambhuvarman envoya dès lors régulièrement à la cour des Tang des «ambassades» porter le tribut. En 653, un prince, dont le père avait épousé la fille d’un roi du Zhenla, prend par le sacre le nom de Vikr ntavarman. Sous son règne, long et paisible, les fondations se multiplièrent dans le cirque montagneux de Mi-son, et c’est sans doute de cette époque que datent les plus anciens vestiges qu’on y a retrouvés (style de Mi-son E 1). À la date de 758, les historiens chinois ne parlent plus du Linyi, mais du Huangwang.Le Huangwang (de 758 à 859)Au milieu du VIIIe siècle, le centre de gravité du Champa se déplace vers le sud: la région de Mi-son et de Tra-kiêu (province cham d’Amar vat 稜, actuel Quang-nam: ne pas confondre avec le site sud-indien du même nom) perd pour un siècle son importance au profit du Huangwang, qui correspond aux provinces cham du Kauth ra (plaine de Nha-trang) et du P ndura face="EU Updot" 臘ga (région de Phan-rang). Là apparaît une nouvelle dynastie, dont les souverains vénéraient le lieu saint du Po Nagar de Nha-trang, où le sanctuaire abritait un li face="EU Updot" 臘ga. Il est remarquable que pendant toute cette période えambhubhadre ごvara, la divinité principale de Mi-son, est ignorée. Les souverains du Huangwang eurent à repousser plusieurs incursions javanaises, dont l’une, en 774, détruisit le sanctuaire primitif du Po Nagar de Nha-trang. Harivarman I, en 803 et 809, fit des incursions au nord dans les provinces chinoises, ce qui prouve que, sous son règne au moins, le pouvoir du souverain du Huangwang s’étendait sur tout le Champa. À la période du Huangwang doit être attribué le monument de Hoa-lai.Le Champa jusqu’en l’an 1000Dans la province cham d’Amar vat 稜, une inscription datée de 875 est le plus ancien témoignage que nous possédions d’un roi Indravarman II (première stèle de Dông-duong). Ce souverain prend soin de préciser qu’il n’a pas dû la royauté à ses ascendants, mais qu’elle lui vint grâce aux mérites qu’il avait acquis au cours de ses existences antérieures. C’était un bouddhiste, dont la dévotion allait au bodhisattva Lokésvara (le «Seigneur du monde»), pour qui il fit une fondation très importante à Dông-duong. La stèle I de Dông-duong atteste que le culte de えambhubhadre ごvara est redevenu vivant, et qu’il s’est renforcé par l’élaboration d’une légende qui fait de son fondateur le dieu えiva lui-même, ce qui donne à la divinité de Mi-son une prééminence incontestable sur celle du Po Nagar de Nha-trang. En ce dernier lieu saint, le li face="EU Updot" 臘ga ne sera plus mentionné, et un culte, secondaire à l’origine, celui de la déesse Bhagavat 稜, sera «encouragé» par les souverains du Nord (en 918, Indravarman III lui élèvera une statue «au corps d’or»). La capitale, sise de nouveau dans la province d’Amar vat 稜, s’appelait Indrapura, et aussi Camp pura. Indravarman III régna plus de quarante ans; il est fait grand éloge (inscription de 918) de sa connaissance des textes sanskrits; vers 950, il repoussa les armées khmères de R jendravarman, mais celui-ci avait pu s’emparer de l’image en or de Bhagavat 稜. Le Po Nagar de Nha-trang fut restauré par Jaya Indravarman I en 965, et l’image en or remplacée par la statue en pierre qui existe encore. Pendant toute cette période, des ambassades furent envoyées régulièrement à la cour de Chine Le resserrement des liens entre la Chine et le Champa se fit sans doute en raison de l’agression khmère contre le Champa, et surtout à cause de l’accession du Dai Co Viet à l’indépendance vis-à-vis de la Chine (968). Le roi cham ayant eu l’imprudence d’intervenir dans les troubles dynastiques du Dai Co Viet, l’armée de Le Hoan occupa le Champa et détruisit Indrapura (982). En l’an 1000, devant les attaques vietnamiennes, la capitale cham dut, par un repli désormais définitif, se déplacer vers le sud, dans l’actuel Binh-dinh, à Vijaya. C’est à tout le Xe siècle qu’il faut attribuer l’ensemble des monuments et des sculptures du style de Mi-son A 1.Après l’an 1000Désormais l’histoire du Champa n’est plus que celle de sa lente absorption par le Dai Co Viet (appelé, à partir de 1054, Dai Viet). Plusieurs fois envahi et battu par les souverains de la dynastie vietnamienne des Li, ayant de surcroît à réprimer les rébellions du P ndura face="EU Updot" 臘ga encouragées par les Khmers, le Champa doit, en 1069, céder trois provinces septentrionales. Harivarman IV (1074-1081) parvient à repousser une invasion vietnamienne et conduit une expédition en pays khmer. En 1145, le roi du Cambodge, S ryavarman II, s’empare de Vijaya et les Khmers occupent le pays pendant quatre ans. En 1177, un usurpateur, Jaya Indravarman IV, s’assurant la neutralité du Dai Viet, attaqua le Cambodge, s’empara d’Angkor et fit périr le souverain khmer; l’occupation cham dura elle aussi quatre années. Jayavarman VII, le dernier grand souverain khmer, prit sa revanche et, de 1203 à 1220, le Champa envahi devint une province khmère. Entre 1260 et 1285, le Champa et le Dai Viet se trouvèrent momentanément unis dans la résistance contre les Mongols, qui furent finalement battus par le Dai Viet. Les vestiges artistiques dont l’ensemble permet de définir le style du Binh-dinh (ou de Thâp-mâm) appartiennent au XIe et au XIIe siècle. Le XIIIe siècle voit les prolongements de ce style. Dans la première moitié du XIVe siècle, le Champa est sous la dépendance directe du Dai Viet, mais durant toute la seconde moitié, le roi cham Che Bong Nga réussit une série de raids victorieux contre le Dai Viet (1371 : prise de Hanoi). Ce n’était qu’un dernier sursaut : en 1471, la capitale cham de Vijaya est prise définitivement par les Vietnamiens. Aux XIVe, XVe et XVIe siècles correspond la statuaire du style de Yang Mum, puis le style de Po Rome. Ensuite, ce sont des amputations territoriales répétées et une décadence accélérée. En 1822, le roi cham s’exile au Cambodge et l’annexion définitive du Champa est effectuée par Minh Mang. Le Dai Viet laissa cependant subsister sous sa suzeraineté la souveraineté purement nominale des rois de Phan-ri (une «reine» de Phan-ri mourut en 1927). La vie religieuse des Cham se réduisit au culte funéraire des souverains défunts (les kut, les «trésors des rois cham»). Quant à l’islam, qui est à présent la religion d’une partie des Cham demeurés sur le sol ancestral et celle de l’ensemble de la communauté cham réfugiée au Cambodge, on ne saurait préciser à quelle date (vers le XVe siècle? ou beaucoup plus tôt?) il s’introduisit au Champa.2. L’art du ChampaPh. Stern a, le premier, établi la chronologie relative correcte des monuments cham par une étude de l’évolution des motifs de décoration. Les travaux ultérieurs n’ont fait qu’apporter de nouvelles précisions et quelques rectifications de détail.Les vestiges de l’indianisation antérieurs à 650 et le style de Mi-son E 1 (650-730 env.)Les plus anciennes inscriptions ne mentionnent que des li face="EU Updot" 臘ga , mais les textes chinois attestent l’existence d’idoles anthropomorphes au Linyi dès le Ve siècle. Pour cette époque, il ne subsiste rien d’une architecture, vraisemblablement faite en matériaux légers, et, avant 650 environ, on ne peut citer que quelques sculptures isolées. La plus célèbre est le Bouddha debout trouvé à Dông-duong, statue en bronze de plus d’un mètre de hauteur, œuvre très profondément apparentée à la tradition indienne (style d’Amar vat 稜, ou style singhalais d’Anur dhapura). Cette image, que l’on peut dater de la période IVe-VIe siècle, s’intègre à la série des Bouddha en bronze qui ont été trouvés en divers points de l’Asie du Sud-Est et qui attestent l’importance de l’expansion bouddhique à cette haute époque.Les monuments qui se trouvent dans le cirque de Mi-son, sans atteindre jamais à l’ordonnance des plans khmers, sont néanmoins groupés dans des enceintes quadrangulaires, parfois contiguës; en général, on trouve dans ces enceintes un monument central plus important, entouré d’édifices secondaires de types, de dimensions et d’orientations assez divers. À l’intérieur d’une même enceinte, les différents monuments sont très souvent d’époques différentes; dans plusieurs cas, on trouve, à l’extérieur de l’enceinte, de longues salles qui font certainement partie du même ensemble. La désignation des groupes par des lettres (les monuments contenus dans une enceinte constituent un groupe) et, à l’intérieur des groupes, des monuments par des chiffres a été établie lors du dégagement du site. Elle ne correspond ni à la chronologie ni à la structure des ensembles. Il ne reste à peu près rien de Mi-son E 1, le plus ancien vestige du site. C’était une cella rectangulaire à murs minces, ornée sur toutes ses faces et aux quatre angles de pilastres; le matériau est (et sera toujours) la brique, certaines pièces du décor architectural (frontons, colonnettes, etc.) étant sculptées dans des blocs de grès. Les parois sculptées du piédestal de Mi-son E 1 témoignent d’un naturalisme et d’un sens du mouvement remarquables (atlantes en plein élan, les bras étendus, tenant des écharpes). L’art cham de cette haute époque paraît très proche des arts voisins et contemporains (le fronton de Mi-son E 1, représentant Vi ルユu couché, est apparenté à un linteau préangkorien). On peut placer dans le prolongement de ce style les tympans (réemplois) de Mi-son C 1 et de Mi-son A 1 (représentations de la danse de えiva). Parmi les sculptures en ronde bosse apparentées au même style, citons le Ga ユe ごa de Mi-son E 5, œuvre hiératique et puissante, et le Vi ルユu de Da-nghi.Hoa-laiLe groupe de Hoa-lai (au P ユボura face="EU Updot" 臘ga, fin de la seconde moitié du VIIIe s., ou début du IXe) est un ensemble de trois kalan (tour sanctuaire, cella carrée à haute toiture encorbellée, cf. le prasat khmer). Hoa-lai constitue le plus ancien ensemble encore debout, bien que très dégradé, qu’on ait retrouvé au Champa. Ph. Stern, à partir de l’étude d’éléments du décor architectural (arcatures en U renversé, décor médian sculpté dans la brique ornant les pilastres, etc.), a situé Hoa-lai dans une chronologie relative. Aux motifs simplement décoratifs s’ajoutent des bas-reliefs sculptés eux aussi dans la brique (Garu ボa-atlantes de la corniche, dv rap la des fausses portes, dont les parures témoignent peut-être d’une influence de l’art indo-javanais).D’autres monuments posent quelques problèmes aux archéologues: Pho Hai et Prasat Damrei Krap. Pho Hai (au sud de Hoa-lai près de Phan-thiêt), témoignant du particularisme foncier des provinces méridionales, ne se laisse rattacher ni à l’art khmer ni à l’art cham. Le sanctuaire central de Prasat Damrei Krap (sur le Phnom Kulen, au Cambodge) est un édifice cham par son architecture (mais non par ses linteaux et ses colonnettes, qui sont khmers et du style du Kulen). Pour Ph. Stern, ce serait le plus ancien édifice cham encore debout, antérieur à Hoa-lai, mais, selon des travaux de J. Boisselier, Hoa-lai lui serait cependant antérieur.Un assez grand nombre de statuettes en bronze ont été découvertes, images bouddhiques dont la plupart sont mah y niques (représentations du bodhisattva Avalokite ごvara). Elles présentent des analogies avec l’art indo-javanais (dates limites: fin du VIIe siècle – début du Xe siècle).Dông-duong (875) et style de Dông-duong (jusqu’à 915 env.)À Dông-duong se trouvent le temple et le monastère bouddhique consacrés à Lak ルm 稜ndraloke ごvara par le roi Indravarman II. Ce grand ensemble, normalement orienté, se développe sur une longueur de 1 330 m et comprend d’ouest en est: le temple proprement dit, à l’intérieur d’une enceinte rectangulaire de 325 m sur 155 m, une chaussée de 763 m, un bassin rectangulaire de 240 m sur 300 m. Le temple comporte plusieurs sections (seule la partie centrale a été dégagée). On y observe des dispositions spécifiquement bouddhiques (grands autels adossés, tours-st pa évoquant un peu celles de Chine et du Vietnam, encadrant les gopura ); la grande salle aux piliers de la section III était vraisemblablement le vih ra . Le décor architectural de Dông-duong est caractérisé par la forme des arcatures (désormais ogivales, avec au sommet un fleuron ovoïde d’où retombent symétriquement des volutes de feuillage) et surtout par un nouveau traitement du décor végétal sculpté. De plus en plus fouillé, celui-ci prend l’apparence d’un décor vermiculé; à la fin du style (Mi-son A 10), les lignes directrices du décor s’effaceront complètement dans une prolifération «échevelée» (Ph. Stern). La statuaire de Dông-duong, très abondante (Bouddha, moines, donateurs, dv rap la- gardiens de porte...), est empreinte d’une forte originalité. Son trait le plus marquant est l’aspect «négroïde» des visages, qui n’est qu’une exagération des tendances antérieures de l’art cham. Divers apports chinois sont décelables (vêtement des Bouddha drapé selon le mode chinois, attitude menaçante des dv rap la en ronde bosse). Témoignant des mêmes tendances, une grande statue de T r en bronze (h. 1,20 m), découverte vers 1975, révèle une maîtrise technique insoupçonnée.Mi-son A 1, Tra-kiêu (Xe s.)En architecture, le style de Mi-son A 1 est à la fois celui de ce sanctuaire éponyme, des templions qui l’entourent (A 2 – A 7) et de la plupart des monuments des groupes B, C et D. En dehors de Mi-son, les trois tours-sanctuaires de Khuong-my représentent le début du style qui est une réaction «classique» aux excès précédents du décor architectural. On décèle également des influences indonésiennes (apparition de rinceaux réalistes, niches à k la et makara ). Autres caractéristiques de ce style: les «orants» sous arcature scandant les parois, les pièces d’accent à décor ajouré, les amortissements d’angle, réductions de tour-sanctuaire. L’arcature a évolué: le feuillage vermiculé ayant disparu, seules subsistent les formes qu’il avait engendrées. La sculpture (désormais sur fond de stèle ou en bas relief) est le plus bel apport du style de Mi-son A 1. Il faut y distinguer deux phases successives. En premier lieu dans le style de Khuong-my, l’esthétique s’affine peu à peu, les traits s’adoucissent, les visages deviennent demi-souriants (Krishna Govardhana du tympan de Khuong-my; à Mi-son: divinités assises des templions des groupes B et A, orants sous arcature de B 5, de D 1, etc.). Ensuite (style de Tra-kiêu), l’influence indo-javanaise devient prépondérante: visages glabres, modelés avec sensibilité, empreints d’une douceur souriante; attitudes variées, souples et harmonieuses (piédestal de Tra-kiêu, dont la base, ornée d’une théorie de personnages, illustre la légende de Krishna; le très célèbre piédestal «aux danseuses», également trouvé à Tra-kiêu).Le style du Binh-dinh (XIe-XIIIe s.) et la décadence ultérieureUne longue transition (fin du Xe siècle et partie du XIe?), mène du style de Mi-son A 1 à celui du Binh-dinh (appelé, pour la sculpture, style de Thâp-mâm): le décor architectural se simplifie et s’alourdit tout à la fois (pilastres non décorés, multiplication et amenuisement «en fer de lance» des fleurons, amortissements d’angle n’évoquant plus qu’une superstructure d’édifice. Les principaux monuments sont: Mi-son E 4, Chien-dang, Chanh-lo. Pendant cette période, la sculpture s’oriente vers le durcissement et le hiératisme. Le style du Binh-dinh continue cette évolution (Mi-son G 1 et B 1; dans le Binh-dinh: tours d’Argent, Hung-thanh, tours d’Ivoire, tour de Cuivre et tour d’Or). Un motif, sorte de virgule épaisse, envahit le décor architectural et la sculpture (on le trouve sur les dragons de Thâp-mâm, images dynamiques et cocasses, témoignant d’influences sino-vietnamiennes). Un apport khmer est décelable, d’abord sous forme d’influence assimilée (superstructures «en obus» de Hung-thanh, rappelant celles d’Angkor Vat), puis, pendant l’occupation khmère sous Jayavarman VII, par une importation d’œuvres du style du Bayon.Plus tard, les fonds de stèle recevront des sculptures de plus en plus médiocres (style de Yang-mum, XIVe-XVe siècle: les jambes de la divinité assise se réduisent à une masse triangulaire; style de Po Rome, XVIe siècle: le personnage est traité en buste; stèles funéraires encore plus tardives – les kut –, dont certaines évoquent encore une silhouette humaine, où l’on penserait voir autant une résurgence d’un passé mégalithique qu’une influence des stèles funéraires musulmanes). Il n’y a plus, en matériaux durables, que quelques sanctuaires abâtardis, aux formes alourdies, au décor grossier ou inexistant: Po Klaung Garai, Po Rome (XVe-XVIe s.?). Il faut encore mentionner les «trésors des rois cham»: parures de statues qui attestent la perpétuation d’une certaine forme d’hindouisme très décadente, mais riche d’enseignement pour la connaissance de ce qui fut le Champa.Champaroyaume des Chams (IIe-XVIIe s.). Situé, à l'origine, au centre du Viêt-nam actuel (vers Huê), il fut progressivement repoussé vers le Sud. Les Vietnamiens le vainquirent au XVe s. et en effacèrent les derniers vestiges au XVIIe s. Le royaume dut également combattre la Chine et l'Empire khmer aux XIIe-XIIIe s. Des témoignages d'un passé brillant subsistent (site de My Son).
Encyclopédie Universelle. 2012.